C'était une bien terrible révélation pour un petit bonhomme pas plus haut que trois citrons verts qui ne trouve rien d'autre à faire que de chanter tout en balayant :
- M ap propte o !
Men pouki m ap propte ?
Je nettoie o !
Mais à quoi me sert-il de nettoyer ?
Il est bien tenté d'en parler à son père, et peut-être même lui en a-t-il glissé deux mots, peine perdue, le père est devenu un morceau de sucre qui fond sous la langue de sa promise.
- M ap propte o !
Men pouki m ap propte ? continue de chanter le petit bonhomme pas plus haut que trois cirueles qui a subtilisé le nerf de bœuf de son père et l'a caché sous sa vareuse.
Au moment des réjouissances, les invités de la future épouse envahissent la cour et la maison ; ils sont plus nombreux que ceux du futur marié. Ils boivent, ils mangent, ils rient comme des baudets. C'est alors que le petit bonhomme pas plus haut que trois pois tendres, se place derrière la mariée et lui astique les fesses, vloup, avec le nerf de bœuf.
Blakadap, instantanément la mariée rue des quatre pattes. Campé bravement au milieu des invités, le petit bonhomme devenu grand comme un mapou fromager, lance, avec autorité, des coups de fouets sur les côtés, devant, derrière, en haut, en bas, vloup, vlap, vlip !
La réception se transforme en écurie avec des braiments, des hennissements, des hi-hans, des blakadap. Chaque coup de fouet sur les fesses d'un invité le transforme en âne. Toute cette belle compagnie de bourricots ne cherche qu'à fuir. On s'entrechoque, on se bouscule, on s'entrave dans un brouhaha cocasse.
Lorsque dans un colossal nuage de poussière tous les ânes ont disparu, le petit bonhomme et son père ont retrouvé, tapi dans un coin de la maison et tout penaud, un tout petit âne que ses toutes petites pattes ne lui avaient pas permis de fuir.
C'est ce tout petit âne-là qui a peuplé l'île de tous les ânes qui, depuis lors, portent les fardeaux des paysans à travers les mornes d'Haïti.
Source...Xinhua