Cela ne fait aucun doute selon le géologue Jean de Heinzelin de Braucourt né le 6 août 1920 et mort le 4 novembre 1998.
Jean de Heinzelin était une sorte d’aventurier des temps modernes, un homme de terrain, à l’aise partout, doté d’un sens aigu de l’observation.
Les os d'Ishango, également appelés bâtons d'Ishango, sont des artéfacts archéologiques découverts dans l'ancien Congo belge et datés de peut-être 20 000 ans. Selon certains auteurs, il pourrait s'agir de la plus ancienne attestation de la pratique de l'arithmétique dans l'histoire de l'humanité. On les a considérés d'abord comme des bâtons de comptage mais certains scientifiques pensent qu'il s'agirait d'une compréhension bien plus avancée que le simple comptage.
Cette thèse est rejetée par d'autres auteurs, dont Olivier Keller.
Dans les années 1950 le géologue belge Jean de Heinzelin de Braucourt découvrit ces ossements dans des couches de cendres volcaniques au bord du lac Édouard dans la région d'Ishango au Congo belge (aujourd'hui République démocratique du Congo), près de la frontière ougandaise.
On estima d'abord qu'il s'agissait d'os datant de 9 000 à 6 500 ans avant J.C., mais une datation du site où ils furent découverts porta leur création à quelque 20 000 ans.
Les ossements sont exposés de façon permanente au Muséum des sciences naturelles de Belgique à Bruxelles.
Caractéristiques principales
Il s'agit de deux os d'approximativement 10 cm et 14 cm, provenant d'animaux non identifiés (on pense à des os humains, de singe ou de lion). Un fragment de quartz est enchâssé au sommet du plus petit. Ces os portent plusieurs incisions sur chacune de leurs faces.
Caractéristiques principales du premier os
Cet os, le plus petit des deux, est le premier à avoir été exposé au muséum de Bruxelles.Il porte plusieurs incisions, organisées en groupes de trois colonnes.
Colonne de gauche de l'os d'Ishango
La colonne peut être divisée en 4 groupes. Chaque groupe possède respectivement 19, 17, 13 et 11 entailles. La somme de ces quatre nombres fait 60. Ce sont les quatre nombres premiers successifs compris entre 10 et 20, constituant ainsi un quadruplet de nombres premiers.
Colonne centrale de l'os d'Ishango
La colonne peut être divisée en huit groupes. Par un comptage approximatif et instinctif, on peut compter (entre parenthèses figure le nombre maximal d'encoches) : 7(8), 5(7), 5(9), 10, 8(14), 4(6), 6, 3 entailles. La somme minimale fait 48, la somme maximale 63.
Colonne de droite de l'os d'Ishango
La colonne peut être divisée en 4 groupes. Chaque groupe possède respectivement 9, 19, 21 et 11 entailles. La somme de ces quatre nombres, tous impairs, fait 60.
Le premier os d'Ishango exposé au Muséum des sciences naturelles de Belgique.
Caractéristiques principales du second os
Le second os est encore mal connu. On sait qu'il est composé de 6 groupes de 20, 6, 18, 6, 20 et 8 entailles.
Interprétations possibles du premier os
Bien qu'il n'existe que des présomptions quant à sa signification arithmétique, l’os fait l’objet de nombreuses interprétations.
Les entailles présentes sur l'os d'Ishango furent interprétées, selon les auteurs, comme une calculette préhistorique, un calendrier lunaire ou un code barre préhistorique.
Un jeu arithmétique
Dans les années 1950, Jean de Heinzelin fut le premier à considérer cet os comme un vestige présentant un intérêt pour l'histoire des mathématiques. Il l'assimila à un jeu d'arithmétique et donna un ordre arbitraire aux différentes colonnes, soit la première (b), la seconde (c) et la troisième (a) en suivant les notations du schéma ci-dessous.
L'inventeur nota que la colonne (c) est compatible avec un système de numération de base 10, du fait que les entailles y sont groupées comme :
21 = 20 + 1
19 = 20 - 1
11 = 10 + 1
9 = 10 - 1.
Il reconnut également, en colonne (a), l'écriture dans l'ordre des nombres premiers compris entre 10 et 20, soit 11, 13, 17 et 19.
Enfin, la colonne (b) semble illustrer la méthode de duplication multiplication par 2 utilisée en une période plus proche de nous dans la multiplication égyptienne, soit 3 x 2 = 6, 4 x 2 = 8 et 5 x 2 = 10.
À la suite de ses observations, J. de Heinzelin admet de fait que les « paléo-mathématiciens » d'Ishango avaient la connaissance des nombres premiers. De plus certains continuateurs des travaux de J. de Heinzelin admettent que, dans la mesure où ces mathématiciens avaient la connaissance pratique des nombres premiers, ils devaient tout aussi naturellement connaître les deux théorèmes d'arithmétique élémentaire suivants :
Théorème 1 : Pour tout entier naturel n, 2(n + 1) = 2n + 2
Théorème 2 : Pour tout entier naturel n, 3n = 2n + n
Plus que comme un jeu mathématique, l'os d'Ishango semble se présenter comme un document crypté faisant appel à l'arithmétique et fondé sur les nombres premiers et les duplications.
Une règle à calculer
Table d'addition de Pletser
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M
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L
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R
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3
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+ 6
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+ 2
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=
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11
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1
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+ 6
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+ 4
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=
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11
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4
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+ 6
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+ 3
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=
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13
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4
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+ 8
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+ 9
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=
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21
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8
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+ 9
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=
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17
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9
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+ 5
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+ 5
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=
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19
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+ 2
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+ 7
|
+ 5
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+ 5
|
=
|
19
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2
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+ 7
|
=
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9
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6
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12
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12
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24
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30
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12
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12
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12
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60
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60
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Les nombres manquants sur l'os sont barrés.
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Le physicien-ingénieur belge Vladimir Pletser, de l'ESA, a proposé une autre interprétation de l'os : il remarqua que les nombres de la colonne centrale peuvent être obtenus en ajoutant les deux autres colonnes. Il en a conclu que les os auraient servi de règle à calcul, sur laquelle on pouvait lire la somme de certains nombres en tournant simplement les os.
Cette hypothèse, bien que lacunaire, présente l'intérêt que les nombres 11, 13, 17 et 19 de la colonne de gauche n'ont pas à être considérés comme des nombres premiers et vient apporter du crédit à une numération en bases 6, 10, 12 et 60.
Un calendrier lunaire
Dans les années 1970, le journaliste scientifique Alexander Marshack examina l'os au microscope.
Il nota, tout comme le fit Jean de Heinzelin, que la somme de tous les nombres donnait 60 pour l'une ou l'autre des colonnes (a) et (c), et 48 pour la colonne (b). Ces considérations l'amenèrent à suggérer que l'os d'Ishango serait le plus ancien calendrier lunaire connu. En effet 60 étant approximativement le nombre de jours entre deux lunes, et 48 pouvant représenter une lune et demie.
Claudia Zaslavsky suggéra que cela pouvait indiquer que le créateur de l'objet était une femme, suivant les phases lunaires en les comparant au cycle menstruel.
Récemment, l'astrophysicien Jean Paul Mbelek apporta de nouvelles observations :
La somme de tous les nombres extrêmes des trois colonnes est égale à 60 (10 + 20 + 30 = 60).
La quantité de nombres de la colonne (b) est égale à la somme des quantités de nombres des colonnes (a) et (c), soit 8 (pour une face) et 4 + 4 = 8 (pour l'autre face) ; il existe une régularité plus forte que l'on obtient en ajoutant ou en soustrayant la quantité de nombres apparaissant dans une colonne à la somme totale de cette colonne.
Il existe une symétrie par rapport à la médiane passant par le nombre 17 et le nombre 10.
Il constate qu'en effet dans la colonne (c) les extrêmes (9 = 10 -1, 11 = 10 + 1) et les moyens (19 = 20 - 1, 21 = 20 + 1)
Interprétations possibles du second os
La série de nombres 20, 6, 18, 6, 20, 8 ferait penser à un calcul en bases 10, 12, 6 ou 60. Le second bâton d'Ishango paraît donc confirmer la thèse de comptage dans ces bases et semble écarter la thèse du calendrier lunaire.
Olivier Keller, dans un article critiquant les tentations de sur interpréter les traces archéologiques en histoire des mathématiques, qualifie les interprétations de Heinzelin de « fantaisies » et affirme que le groupage d'Alexander Marshack « paraît très forcé, voire trafiqué ». C’est le point de vue, d’Alexander Marshack, en espérant qu’il n’est pas motivé par une quelconque idéologie qui empêcherait toute analyse objective des faits.
Sources :
Naturalsciences.be (Muséum de sciences naturelles ; Bruxelles)
Wilképédia
www.sciencesnaturelles.be