Certaines images restent profondément ancrées dans nos mémoires et revêtent un sens et une valeur symboliques pouvant baisser au fil du temps. Comme par exemple l’image du tirailleur sénégalais de la marque de chocolat « Banania », lancée par le journaliste Pierre LARDET, qui a imprégné l’époque coloniale par son exceptionnelle longévité et sa déclinaison en plusieurs supports publicitaires, notamment les affiches, les boîtes de conserve, les dessins, les cartes postales, les thermomètres, les placards de presse, les poupées et même les porte-clés. En 1914, Pierre LARDET met au point un nouveau type de chocolat, enrichi de banane, commercialisé sous le nom de « Banania » et offert gratuitement, pour sa promotion, aux soldats de la Première Guerre Mondiale.
Pour la promotion de son chocolat, Pierre LARDET offre gratuitement aux combattants de la Grande Guerre son produit, aux vertus énergisantes, et vante l’intrépidité et le courage des soldats africains. C’est donc tout naturellement que l’image du tirailleur sénégalais va s’imposer dans la presse, les actualités filmées et les différents supports publicitaires (cartes postales, affiches, porte-clés, boîtes de conserve, etc.), avec le célèbre slogan : « Ya bon Banania ! ». Après avoir parcouru le 20ème siècle, ce slogan qui s’est construit dans l’imaginaire collectif français a connu une grande popularité, précisément en 1931, au moment de l’Exposition coloniale. Avec le temps, cette publicité aux relents racistes, vestige du colonialisme, fut considérée comme une atteinte à la dignité humaine et disparut progressivement à la fin des années 1970, malgré une tentative de réapparition finalement avortée en 2006. En effet, la société Nutrimaine a tenté de relancer la publicité « Ya bon Banania ! » en 2005-2006. Les associations anti-racistes (MRAP et le collectif des Antillais, Guyanais et Réunionnais) ont dénoncé la représentation caricaturale et raciste de cette publicité qui sera finalement retirée en 2011.Suite au tollé général des associations et des intellectuels, et à l’indignation suscitée par cette campagne promotionnelle, cette publicité, jugée raciste et caricaturale, fut rapidement retirée. D’après ses concepteurs, cette publicité qui était au service de la propagande ne voulait nullement donner une image dégradante des Noirs ni heurter la susceptibilité des membres de cette « communauté ». Il faut bien dire qu’une partie de la population occidentale de l’époque, par ignorance, perçoit trop souvent les Noirs comme des sauvages et des anthropophages. Bien au contraire, l’objectif de cette publicité était de mettre en valeur les troupes coloniales en mettant en avant leur fidélité au drapeau national français et leur courage face aux troupes ennemies, en l’occurrence les troupes allemandes. Bien que les publicitaires de l’époque s’en défendent, les images et les représentations coloniales sont presque toutes racistes (ou du moins, elles ont des relents racistes) car elles présupposent toutes une prétendue supériorité des Blancs sur les peuples colonisés qui représentent une iconographie abondamment utilisée par les gouvernants, les publicitaires, les caricaturistes et les dessinateurs. Ces derniers puisent leur inspiration dans l’imaginaire colonial de cette époque avec son lot de stéréotypes et de clichés largement entretenus et cultivés dans la mémoire collective, et banalisés par les médias de l’époque. Souvent éloignées de leur environnement d’origine, une pléthore de représentations et images mettant en scène des indigènes (Noirs, Arabes, Asiatiques, Indiens, etc.) baignent assez rapidement les spectateurs européens dans un imaginaire exotique.
Dr. Ricky NGUEMA-EYI
Sociologue, anthropologue et politologue.