J’ai toujours pensé que les Africains qui croyaient en Dieu étaient dans l’erreur, pire, qu’ils étaient de vrais manipulables. J’ai passé des mois à étudier les réactions de ces Africains face à mes différentes publications sur la religion pour me rendre compte que c’était moi qui me trompais, c’était moi qui étais dans l’erreur parce que je n’avais pas compris que ces Africains n’étaient capables de comprendre sereinement qu’ils pratiquaient des religions qu’ils n’avaient pas choisies, que leurs ancêtres n’avaient pas choisies, mais qui leur avaient été imposées suite à une très longue période de violences et de viols, rythmée par des phases de déportation et de mise en esclavage. Dans ces conditions on ne peut pas parler de libre choix, puisque leurs grands-parents, leurs aïeux ont été forcés d’abandonner leur religion pour pratiquer celles de leur bourreaux. C’est ce qui explique que l’Afrique sahélienne, où arrivaient les caravanes des chasseurs d’esclaves arabes, soit en majorité musulmane ; et que les côtes où accostaient les bateaux de chasseurs d’esclaves européens, soient en majorité chrétiennes. Mon erreur venait du fait que je n’avais pas pris en compte le fameux complexe de Stockholm qui veut que la victime d’un viol, d’un séquestre finisse par aimer son bourreau au point d’en devenir son meilleur défenseur.
Pourquoi les maîtres arabes et européens qui ne me veulent pas avec eux ici sur terre pour une durée de vie somme toute limitée à moins de 100 ans, seraient-ils subitement si bons et généreux de me convertir à leur religion, s’ils étaient eux-mêmes convaincus qu’il existait le moindre risque de partager avec nous leur paradis et nous voir vivre à côté d’eux non plus pendant 100 ans, mais pour toute l’humanité ?
Dans une société multiculturelle comme les Etats-Unis d’Amérique, il y a des Américains qui vont devenir Bouddhistes, Hindouistes etc. Mais les populations d’origine africaine, les descendants d’anciens esclaves ne vont migrer qu’entre les deux religions de leurs anciens maîtres : s’ils quittent l’Islam, ils vont devenir chrétiens. S’ils quittent le christianisme, ils vont devenir musulmans et rien d’autre. Il existe peut-être deux cent choix religieux possibles, mais ils ne vont se limiter qu’à ces deux religions. Si les anciens bourreaux chrétiens haïssaient les juifs, ils vont aller chercher dans la Bible ces pages de haine contre les juifs afin de ressembler au mieux au maître. Si l’ex-bourreau arabe déteste les Juifs, ils vont être les plus grands historiens d’un genre nouveau et réécrire une histoire complaisante pour prouver au maître qu’ils peuvent exceller dans l’art de de haïr les juifs.
Il n’existe pas en Afrique une place, une rue dédiée à la mémoire des victimes des deux esclavages. A sa place, on célèbre la mémoire des bourreaux, on érige des cathédrales en leurs noms, on construit des mosquées en leur gloire. Et c’est comme cela que, les africains se sont lancés dans une fuite en avant, en se mentant à eux-mêmes et en faisant semblant de croire que rien ne s’est jamais passé. Ils auraient voulu que ce fût juste un mauvais rêve.
Et pour les aider à couper ces chaines invisibles de l’esclavage, il ne suffit pas de les accuser, mais de leur donner les instruments qui vont leur permettre de comprendre pourquoi et comment ils en sont arrivés là. Il faut les aider à se poser à eux-mêmes les questions dérangeantes qu’ils n’ont jamais osé se poser comme : pourquoi suis-je musulman et non shintoïste ? Pourquoi suis-je chrétien et non hindouiste ? Si mon pays avait été colonisé par le Japon ou l’Inde, serais-je chrétien ou musulman ? Si je crois que Dieu existe et que ceux qui suivent la religion de l’ancien maître ont une place au paradis, pourrai-je y rencontrer mes ancêtres qui sont morts avant l’arrivée en Afrique de ces religions ?
Boueni Bassoukissa Bienvenu
Éleveur de pigeons
pougala