Le Mali accueillait vendredi une signature d'accord de paix hautement protocolaire à Bamako, devant un aréopage de chefs d'Etat et de gouvernement africains, mais dont la grande absente sera la rébellion à dominante touareg qui réclame des discussions supplémentaires.
Juste avant de parapher jeudi à Alger l'accord pour la paix et la réconciliation, au bout de deux mois et demi de pressions et d'atermoiements, la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA, rébellion) a prévenu qu'elle ne viendrait pas le signer le lendemain à Bamako.
L'accord vise à instaurer une paix durable dans le nord du Mali, qui a connu une série de rébellions touareg depuis les premières années d'indépendance du pays, en 1960, et transformé en 2012 en sanctuaire et en base d'opérations jihadiste, jusqu'au lancement de l'opération militaire française Serval en janvier 2013.
La pression déjà forte sur la CMA pour parapher le texte, comme l'ont fait le 1er mars à Alger le gouvernement et ses alliés, s'est intensifiée à la suite de l'attentat anti-occidental du 7 mars à Bamako, au motif d'isoler définitivement les jihadistes qui l'ont revendiqué.
Serval Maintenue contre vents et marées par Bamako et la médiation internationale conduite par l'Algérie malgré les violations répétées du cessez-le-feu depuis deux semaines, la cérémonie s'est largement vidée de sa substance avec le désistement escompté de la rébellion.
Le chef de la Mission de l'ONU au Mali (Minusma) Mongi Hamdi a néanmoins estimé qu'après ce paraphe, le "processus de paix entrera dans une phase déterminante avec la signature".
Le chef de l'Etat zimbabwéen Robert Mugabe, également président en exercice de l'Union africaine (UA), et ses homologues mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, nigérien Mahamadou Issoufou, burkinabè Michel Kafando, ivoirien Alassane Ouattara, guinéen Alpha Condé, togolais Faure Gnassingbé, et rwandais Paul Kagame étaient présents à la mi-journée à Bamako.
La secrétaire générale de l'Organisation internationale de la Francophonie Michaëlle Jean a elle aussi fait le déplacement, tandis que les présidents tchadien Idriss Deby et ghanéen John Dramani Mahama étaient attendus à cette signature.
'Etape' vers la paix
"Aujourd'hui est une étape très importante du processus. C'est vrai qu'on aurait aimé la présence de tout le monde, mais c'est important que le processus avance. Le développement du Mali ne peut se réaliser que dans la paix", a déclaré à l'AFP la secrétaire d'Etat chargée du Développement Annick Girardin, représentant la France.
La chef de la diplomatie de l'Union européenne Federica Mogherini a minimisé l'absence des principaux groupes rebelles, jugeant que la signature "par la plupart des parties prenantes est une étape décisive" et pressant les autres de "le faire dans les meilleurs délais".
L'espoir de la communauté internationale de persuader au moins certains des principaux groupes rebelles de signer semble s'être amenuisé, ceux-ci ayant tenu une ligne commune lors de ce paraphe in extremis.
"Mission accomplie mais pas terminée", a résumé jeudi à Alger le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, parrain des négociations.
Selon une déclaration jointe au paraphe et signée par un des chefs de la CMA, Bilal Ag Achérif, les revendications présentées par la rébellion seront examinées "entre les parties en conflit et la médiation avant toute signature du document final".
A Alger, M. Lamamra a annoncé avoir reçu une communication du président malien Ibrahim Boubacar Keïta - qui "tend la main (aux rebelles) et est prêt à les recevoir à tout moment et discuter avec eux de l'avenir du pays, de l'avenir des régions du Nord et de la mise en ?uvre rigoureuse de l'accord".
Le texte prévoit la création d'Assemblées régionales dotées de pouvoirs importants, élues au suffrage universel direct, mais, comme le souhaitait Bamako, ni autonomie ni fédéralisme et ne reconnaît l'"Azawad", nom par lequel les rebelles désignent le nord du Mali, que comme une "réalité humaine", sans contenu politique.
La CMA a réclamé une série d'amendements, dont la "reconnaissance officielle de l'Azawad comme une entité géographique, politique et juridique", la création d'une assemblée interrégionale couvrant cette zone, et un quota de "80% de ressortissants de l'Azawad" dans les forces de sécurité de la région.
Le nord du Mali est tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda après la déroute de l'armée face à la rébellion, d'abord alliée à ces groupes qui l'ont ensuite évincée.
Bien que les jihadistes aient été dispersés et en grande partie chassés de cette région par l'opération Serval, des zones entières échappent encore au contrôle des autorités.
Source AFP