Pour Robert Goffin
Dans ce poème, Damas exprime sur un mode mineur la mémoire douloureuse du passé de sa race, marquée par les tourments de la servitude.
Ils me l’ont rendue
la vie
plus lourde et lasse
Mes aujourd’hui ont chacun sur mon jadis
de gros yeux qui roulent de rancœur
de honte
Les jours inexorablement
tristes
jamais n’ont cessé d’être
à la mémoire
de ce que fut
ma vie tronquée
Va encore
mon hébétude
du temps jadis
de coup de corde noueux
de corps calcinés
de l’orteil au dos calcinés
de chair morte
de tisons
de fer rouge
de bras brisés
sous le fouet qui se déchaîne
sous le fouet qui fait marcher la plantation
et s’abreuver de sang de mon sang de sang la sucrerie
et la bouffarde du commandeur crâner au ciel.
Léon Gontran DAMAS
Pigments, Présence Africaine.