Kwame Nkrumah père du Panafricanisme?
Kwame Nkrumah est né en 1909 à Nkroful, un village du sud ouest de la colonie britannique de la Côte d’Or. En 1935, il quitte son pays pour aller étudier l’économie et la sociologie à l’université Lincoln en Pennsylvanie. Là il découvre les écrits des auteurs noirs comme Marcus Garvey et W.E.B Du Bois qui alimenteront sa future idéologie. Il se plonge dans l’histoire politique américaine et comprend que la puissance des Etats-Unis réside dans son unité. En 1943, il écrit Towards colonial freedom, dans lequel il dénonce l’asservissement de l’Afrique.
En 1945, il embarque pour Londres afin de poursuivre des études de droit mais très vite, l’émulation politique qui règne dans le pays au sein des communautés issues des colonies le gagne. Il rejoint le syndicat des Etudiants d’Afrique de l’Ouest et organise la 5ème conférence panafricaine de Manchester. Il travaille aux côtés de politiciens africains qui deviendront les principaux instigateurs de l’indépendance dans leur pays, parmi lesquels Jomo Kenyatta, futur président du Kenya.
Ses articles publiés dans le journal « Le Nouvel Africain » promettent l’unité africaine et font parler de lui : le nom de Nkrumah est désormais synonyme de radicalisme pour l’administration coloniale en Côte d’Or. Son retour au pays en 1947 est attendu par plusieurs personnes qui partagent ses idées. Ce qui lui permet de prendre assez facilement la tête du nouveau parti indépendantiste « United Gold Coast Convention», et mène des actions dans tout le pays, ce qui provoque le courroux de la puissance colonisatrice qui réprime les velléités émancipatrices qui gagne le peuple. En 1948, soit un an après son retour au pays, Nkrumah est emprisonné par l’administration coloniale qui veut le réduire au silence. Ce qui aura l’effet inverse puisque Nkrumah devient alors un martyre politique, un rôle qu’il accepte et cultive et réussit à mettre la pression sur l’administration coloniale qui finit par faire des concessions. En 1952, Nkrumah devient le premier ministre de la Côte d’Or et son nouveau parti, le CPP (Convention People’s party) gagne toutes les élections organisées par les Britanniques. Le 6 mars 1957, la Côte d’Or devient indépendante et se rebaptise Ghana.
En 1960, Nkrumah devient le président du premier pays indépendant d’Afrique ce qui le pousse à œuvrer activement pour la libération des pays encore soumis à la domination coloniale. C’est ainsi qu’il apporte 25 millions de dollars de soutien à la Guinée suite à la déclaration de son indépendance en 1958. La même année, la réunion des chefs d’Etat africains se tient à Accra sous l’égide du ghanéen qui affirme la nécessité pour l’Afrique « de développer sa propre communauté et sa personnalité », et son non-alignement aux deux blocs c’est le début de l’expansion panafricaniste de Kwame Nkrumah qui va consacrer sa politique extérieure à la construction de l’Unité africaine qu’il pense comme une fusion organique des Etats Indépendants et non comme leur simple coopération. Il entend promouvoir sa doctrine originale, le « nkrumaïsme », concept traditionnel africain de collectivisme, elle vise « la résurrection des valeurs humanitaires et égalitaires de l’Afrique traditionnelle dans un environnement moderne ». En 1963, Nkrumah sera ainsi l’un des pères-fondateurs de l’Organisation de l’Union Africaine qui, toutefois, délaissera les idées de Nkrumah pour conserver l’héritage colonial sous la pression des puissances étrangères qui manœuvrent en douce pour tuer dans l’œuf le panafricanisme.
L’Unité africaine devient alors aux yeux du monde le rêve d’un égocentrique ambitieux qui cache en réalité des plans expansionnistes. En période de guerre froide, elle est vécue en occident comme une manœuvre pour soumettre toute l’Afrique au communisme. Combattu par l’occident et ses pairs, le président ghanéen est désavoué sur la scène africaine et internationale. Les ex-puissances coloniales le diabolisent et tentent de museler la voix dissonante de cette Afrique qui prônait l’unité africaine.
Suite à des tensions dans son propre pays, Nkrumah est victime de deux tentatives d’assassinats en 1962 et 1964. Il instaure alors le parti unique pour tenter d’avoir un meilleur control sur le pays. En février 1966, pendant un voyage du président en Chine, l’armée procède à un coup d’Etat et destitue Nkrumah ce qui le contraint à l’exile en Guinée. C’est la fin du rêve ghanéen et africain pour Kwame Nkrumah. Il meurt d’un cancer en 1972, dans un hôpital à Bucarest, en Roumanie.
En cinq ans, Nkrumah est passé du mythe à la déchéance. Longtemps impopulaire, on retient aujourd’hui de lui la portée visionnaire de ses ambitions panafricaines. L’éveil d’une conscience politique et économique africaine maîtresse de son destin. Autant de thèmes qui sont au cœur de la pensée panafricaine contemporaine.
Kwame Nkrumah a porté la Côte d’Or à son indépendance pour en faire le Ghana, premier pays africain à être « libéré » de l’emprise coloniale. Sa vision dépassait les intérêts de son seul pays et il aura œuvré toute sa vie pour l’Unité africaine, ce qui l’a conduit à mourir dans la déchéance, sort de tous les leaders panafricains depuis l’ « indépendance » politique des pays africains.
Les évènements en cours sur le continent africain nous questionnent sur la vision africaine de Kwame Nkrumah, l’unité de l’Afrique est elle obligatoire pour opérer une renaissance et s’émanciper de l’extérieur ? L’Africain du 21e siècle est-il prêt à emprunter le chemin tracé par Kwame Nkrumah?
Par AYONG
Sources :
Bibliographie de Kwame Nkrumah, Ghana, autobiographie de Kwame Nkrumah, Présence africaine, 1960.
Wilképédia
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021
Commentaires
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Tant que l'Africain soutiendra les intérêts de l'étranger sauf les siens, l'Afrique sera vouée à l'échec, et ces trois articles nous le prouvent bien. -
Très édifiants ces articles. -
Avant de répondre à la question: l'africain du 21e siècle est-il prêt à emprunter le chemin tracé par les pères de "l'indépendance"? posons nous d'abord cette question:
Qui est l'Africain de ce siècle?
car s'il est le même que ceux qui ont trahi les anciens leaders, l'issue sera la même.
on dit que les mêmes causes produisent les même effets....Qu'en pensez-vous? -
Merci pour cet article sur Nkwame Nkrumah...
OSSOU !!! -
eh oui la réalité est souvent bien plus cruelle quand le nuage se dissipe -
la vidéo sur Kadhafi me laisse sans voix.
Que la Ciel nous aide à avoir le discernement en toute circonstance...l'enjeu est de ne pas se tromper d'ennemis et de poursuivre, chacun dans son domaine ce que nos aînés ont commencé.
Merci Ayong et OSSOU !!! -
très bel article.
merci à toute l'équipe d'Ayong !
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